L’Être

Que l’ego ne soit pas sur ses gardes

Il y a dans le mental de nombreux phénomènes, chacun sur ses gardes. L’œil est sur ses gardes pour interpréter des formes. Le corps est sur ses gardes pour interpréter des douleurs ou des plaisirs. Le cerveau est sur ses gardes pour interpréter des envies, des sentiments ou des pensées. Celui qui relâche complètement la garde est libre comme l’air, comme Dieu. De ce fait, il ne s’échappe pas. Il est lui-même. Que lui manquerait-il ? Pourquoi partirait-il à la poursuite de plaisirs éphémères, pourquoi accepterait-il des points de vue sans utilité ?
L’être est

Si un phénomène quelconque est, cela suggère l’Être. Un tissu bleu existerait-il sans que le bleu existe ? Non, pas plus, que si l’Être n’existait pas, les choses ne seraient. La pierre, le bois, la terre, tout cela, par son existence, suggère que l’Existence existe. Comment, si chacune de ses choses est profondément réelle, nous aussi nous ne serions pas également profondément réel ?
Tout est réel

L’univers, pour savoir ce qu’il est lui-même, n’a pas besoin d’un cerveau très limité. L’univers est tout, aussi bien l’ailleurs que l’ici, le passé et le présent. Il n’y a rien qui ne soit pas.
L’être ne dépend de rien

Si l’être est à la base de toute chose, comment serait-il sujet à une chose ? L’être est d’abord la Réalité, à laquelle les choses réelles sont soumises. Or, seules les choses réelles existent. Comment l’être serait-il soumis ? N’étant pas soumis, l’être est profondément libre, aucune imagination, envie, pensée, ne le tient en bride. Celui qui est méchant obéit à la qualité de méchanceté. Celui qui est poli obéit à la qualité de politesse. Celui qui n’obéit à aucune qualité « est », non pas par une qualité, mais par lui-même. C’est par notre liberté étroite que nous avons une impression étroite d’exister.

De ce fait, l’esprit partage avec l’univers la liberté comme qualité intrinsèque. Cette seule qualification, « liberté », suffirait à les désigner tous les deux. Mais à vrai dire la seule vraie liberté est l’observation, et la dépendance, la mort, c’est la participation.

Tandis que l’esprit de l’univers est total, celui de l’homme n’est qu’une proportion. C’est pourquoi, tandis que la vie libre de l’univers embrasse des corps infinis, la liberté humaine s’exerce avec peine à l’étroit d’un seul corps, et encore est-elle en dualité avec une multitude de volontés stériles. Mais qui parviendrait à s’en dégager totalement serait-il encore une proportion isolée de l’univers ?
Esprit, matière Temps Création permanente.

Si la matière est totalement sans liberté, contrairement à ce qui lui donne existence, l’esprit ou Dieu, comment l’esprit décision par excellence, mais n’excluant aucune possibilité de décision – serait-il inclus dans la matière ? L’esprit n’est pas inclus dans la matière mais contrôle cette matière.

Or, le temps est le mouvement. Sans mouvement, il n’y aurait pas de raison au temps. Sans matière, le temps ne serait pas non plus. Faut-il donc croire que le temps n’existe que parce que la matière existe ? Très vraisemblablement.

Alors si l’esprit n’est pas matériel, comment serait-il dans le temps ?

Les hommes se demandent où ils trouveront la partie de la matière qui créé l’être, afin de savoir d’où sortent les décisions. Mais si celles-ci ne sont pas le temps, il faut comprendre qu’elles sont au-delà du temps et qu’elles ne modifient pas seulement le présent, mais encore le passé. Si une chose est au-delà du temps, elle est le passé, le présent et le futur. Il lui est possible d’agir dans le passé pour modifier le présent. Il lui est possible de décider la trajectoire de toutes les particules depuis l’instant zéro afin que nos décisions du présent soient en synchronisation avec les conséquences…
L’individualité

L’individualité a emprisonné les êtres animaux. Son utilité n’existe que parce qu’il y a une compétition entre les animaux. Et cette compétition n’existe que parce qu’il y a des besoins propres au corps, et que celui qui ne les satisfait pas meurt et met en péril son espèce. Dès lors, il est avantageux pour l’espèce que les individus aient l’individualité afin qu’ils survivent mieux que ceux qui n’en ont pas. Comment l’individualité existerait-elle sans compétition ? Or, quelle compétition y-a-t-il dans l’au-delà ? Ce qui n’est pas dépendant n’éprouve pas de besoin, ce qui n’éprouve pas de besoin n’entre pas en compétition. Ce qui n’est pas en compétition n’est pas individuel.
Changer de nature pour la philosophie

Avoir des ailes est une façon superficielle de voler. Quelle que soit la puissance de ces ailes, elles finissent toujours par se fatiguer. Il faut devenir le vol. Avoir des yeux est une façon superficielle de voir la lumière, il faut être la lumière. Être intelligent est une façon superficielle de comprendre Dieu, il faut être Dieu.
La médiocrité

La médiocrité est une forme de difficulté. Il est certes difficile de parler intelligemment et d’agir intelligemment. Mais il est encore plus difficile de se taire et de ne pas agir tout en sachant parler et agir intelligemment.
Se torturer par l’apparence

Celui qui transforme son apparence en cherchant à bien s’habiller, ou en se maquillant, n’est-il pas rongé par les préoccupations ? Pour en venir à perdre une heure par jour, à utiliser la moitié d’un salaire, à se jucher sur des escarpins, à être peint sur toute la tête, à faire des formes avec ses vêtements, juste pour plaire, il faut être sérieusement prisonnier de l’envie de plaire, et penser qu’on ne plait pas en étant tel quel.

Ceux qui se donnent un look sont prisonniers, et ils ne savent même pas d’où vient leur prison. Ils ne connaissent pas la nature de l’être, au fond d’eux-mêmes, car la nature de cet être est d’être indépendant de toute chose. Ils sombrent dans l’inconscience, et à mesure qu’ils sombrent dans l’inconscience, n’ont pas conscience de sombrer dans l’inconscience.
Illusion d’être

C’est par l’être que les hommes encore semi-dépendants affirment qu’ils sont des êtres. Mais n’est «être» que ce qui est indépendant. Notre erreur est de croire que c’est parce que nous sommes des êtres que nous sommes indépendants, alors que c’est parce que nous sommes indépendants que nous sommes des êtres.

L’être est comme l’intelligence. Si l’on s’en sert, ça veut dire qu’on en a une. Le fait de l’avoir sans l’utiliser suppose qu’on en n’a pas. Être un homme, ce n’est que la possibilité d’être un être.
Perversité de la pensée
Seule la sérénité n’est pas un récipient, car elle est l’antithèse de toutes les passions et volontés humaines. Par sa nature de non-récipient, elle ne se contente pas de l’eau d’un seul endroit mais dépasse les notions d’attention, d’espace, de temps.
Temps, diversité, survie, danger.

À cause de l’infinité de la diversité et à cause du temps, le monde est en proie à la compétition. Pourtant la compétition n’est pas une qualité propre à l’univers.

L’infinité de la diversité produit que certaines choses naissent avec des qualités de compétition. Ainsi, la pierre a pour qualité la solidité. La chair a pour qualité la reproduction. Les tigres ont pour qualité leur force. L’homme, son adaptation. Les baleines, leur taille. Le singe son agilité, etc… A cause du temps, les choses qui n’ont pas ces qualités de survie ne survivent pas longtemps. Elles existent bien, mais elles n’existent pas assez longtemps. Mais, loin que ce système s’arrête aux objets et aux animaux, les idées, les idéologies, les sociétés de toutes sortes, sont elles aussi sujettes à cette loi. Ainsi, les idées ont leur stratégie de survie qui est de comporter en leur sein d’autres idées telles que celles d’endoctrinement, de rejet à l’égard d’autre idée, de prolifération des supports de cette idée.

Toutes les idées ne sont pas comme ça. Mais toutes les grandes idées le sont. Car aucune idée ne peut devenir grande sans ces qualités. Pour cette raison, il faut se méfier que les sociétés ne soient pas des virus ou des tumeurs; des produits absurdes s’étant lancés eux-mêmes et qu’il est quasiment impossible de stopper. Qui sait si cette idée elle-même n’est pas elle aussi une guerrière farouche ?

Cependant, heureusement, on peut se réconforter en se disant que si ce monde existe, il est forcément issu d’une volonté. Et celle-ci, puisqu’elle a forcément une cause ultime, ne peut-être que de nature divine. Si certains animaux sont capables de bonté, alors on peut croire que la compétition n’est pas si farouche.

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